Le message de la Veille de Noël du Roi d’Espagne en 2025 a confirmé une tendance qui ne peut plus être balayée d’un simple revers de main comme un simple oubli : l’omission totale et explicite de la naissance de Jésus-Christ en cette nuit où des millions de chrétiens célèbrent précisément cet événement.
Tout au long du discours, ont été abordés des sujets d’évident intérêt public —Union européenne, défis sociaux, questions environnementales, horizon commun—, des thèmes légitimes dans une intervention institutionnelle. Mais ce qui est significatif, cette fois, ce n’est pas seulement ce qui a été dit, mais ce qui n’a pas été dit. Il n’y a eu aucune référence directe à l’événement chrétien qui donne son nom à Noël. Ni une mention explicite de Jésus. Pas même une allusion claire à la signification religieuse de la Veille de Noël.
Ce qui est tu est aussi un message
Une chefferie d’État peut opter pour un ton inclusif et civique. Mais la neutralité n’exige pas le silence absolu sur la racine historique et culturelle de Noël en Espagne. Quand on évite de manière systématique de nommer ce qui est commémoré, Noël se réduit à un simple cadre temporel : une saison de l’année utile pour adresser de bons vœux génériques et des valeurs consensuelles, interchangeables et décontextualisées.
En pratique, le résultat est un discours qui pourrait être prononcé à n’importe quelle date du calendrier, avec une adaptation minimale. La Veille de Noël se transforme ainsi en un support protocolaire pour des idées correctes et larges, mais déconnectées du motif de la célébration.
L’esthétique communique aussi
L’omission n’a pas été seulement verbale. Elle l’a aussi été visuellement. Le seul élément traditionnellement chrétien présent dans la scène —une crèche petite et minimaliste— apparaissait reléguée dans un coin, avec une présence presque résiduelle. Selon la mise en scène, elle se trouvait hors du plan principal tandis que le Roi intervenait debout, ce qui en faisait un détail marginal, sans centralité ni protagonisme.
En communication institutionnelle, cela n’est pas innocent : ce qui n’est pas montré clairement n’est pas souligné. Et ce qui n’est pas souligné, en une date à forte charge symbolique, finit par se diluer.
Neutralité ou laïcisation agressive ?
Ceux qui défendent cette stratégie invoquent habituellement la pluralité religieuse. Cependant, le problème n’est pas la pluralité, mais l’invisibilisation. Une chose est de ne pas imposer la foi ; une autre, très différente, est de désactiver de manière constante les signes et le langage qui expliquent pourquoi Noël existe.
Quand Noël se réduit à ce qui est générique, le religieux disparaît et le culturel s’appauvrit : il reste une coquille de bons vœux, mais sans l’événement qui les a originés.
La conséquence est un appauvrissement du sens. Noël cesse d’être ce qu’il est —une commémoration concrète, avec un contenu concret— pour se transformer en une célébration diffuse, de plus en plus prophane, où le christianisme est toléré comme un décor périphérique, non comme un sens central.
Une tendance qui n’est plus anecdotique
Éviter de mentionner explicitement la naissance du Christ lors de la Veille de Noël n’est pas une question mineure ni un débat exclusivement confessionnel. C’est, avant tout, une question historique, culturelle et symbolique. L’Espagne, avec sa pluralité contemporaine, reste un pays dont le calendrier, les traditions et le langage public sont profondément imprégnés par le christianisme.
C’est pourquoi la question est légitime : ce modèle communicatif cherche-t-il vraiment à intégrer, ou finit-il par diluer jusqu’à l’irreconnaissable le sens de la Veille de Noël ? Est-il prudent que le discours institutionnel, précisément cette nuit-là, renonce à nommer ce qui, pendant des siècles, a donné sens, nom et contenu à Noël ?
Se taire n’est pas toujours neutre. Parfois, c’est simplement effacer.
