Santé,
Je vous présente cette nouvelle lettre avec l’examen critique du document indiqué dans le titre, et dont le texte le plus pertinent apparaîtra en italique ; mais avant cela, je voudrais avertir que, bien qu’il semble incroyable, le plus grand danger contre l’orthodoxie de Nicée ne fut pas l’arianisme radical ou anhomoïen, qui, en niant toute similitude entre la nature du Père et celle du Fils, niait aussi radicalement la divinité de ce dernier, mais la multitude de mouvements intermédiaires, connus sous le nom de semi-ariens : ceux des homéens et des homéousiens ; car, comme la distance entre le divin et le créé est infinie, il n’y a finalement pas de demi-teintes, et on dit déjà que le plus dangereux est une vérité à moitié, car c’est le moyen le plus efficace pour corrompre subtilement la vérité.
5- Pour exprimer la vérité de la foi, le Concile a utilisé deux mots, « substance » (ousia) et « de la même substance » (homooúsios), qui ne se trouvent pas dans l’Écriture. En faisant cela, il n’a pas voulu substituer les affirmations bibliques par la philosophie grecque. Au contraire, le Concile a employé ces termes pour affirmer clairement la foi biblique, en la distinguant de l’erreur hellénisante d’Arrius. L’accusation d’hellénisation ne s’applique donc pas aux Pères de Nicée, mais à la fausse doctrine d’Arrius et de ses disciples.
On ne peut nier l’évidence : que « ousia » est une notion philosophique grecque, et que « homooúsios », par conséquent, est une notion dérivée de la philosophie grecque, de sorte que le Concile a certes substitué des affirmations bibliques par d’autres philosophiques et, par là même, beaucoup plus précises ; cela, évidemment, n’a pas signifié une canonisation de la philosophie grecque, mais bien la justification de recourir aux accomplissements de la raison humaine pour sauvegarder la rationalité fondamentale de la foi.
C’est là la grande différence avec l’islam, qui a connu un brillant épanouissement rationaliste, mais qui l’a fini par l’étouffer au nom d’une interprétation strictement littéraliste du Coran, ce qui, dans le christianisme, s’est produit de manière similaire avec la Réforme protestante ; tandis que la grandeur des Pères de l’Église a été d’avoir réalisé l’admirable synthèse de la foi et de la raison que suppose la théologie catholique.
Les Pères de l’Église étaient alors aussi hellénisés qu’Arrius, seulement ceux-là ont profité de l’appareil conceptuel grec pour créer un système doctrinal technique et précis qui a prévalu par l’approbation magistérielle qu’il a obtenue, mais qui en soi non seulement est grandement distant de la mentalité biblique, mais ne serait même pas la seule possibilité herméneutique de traduire les données bibliques succinctes, qui indiquent sommairement la totale divinité du Christ, son incarnation et un certain type de différence avec le Père et l’Esprit Saint ; mais quel type de différence : réelle ou notionnelle ? Cela n’apparaît pas explicitement dans la littéralité du texte biblique, auquel on ne peut demander une précision philosophique qui est étrangère à la mentalité avec laquelle il a été écrit.
On pourrait arguer que la mentalité biblique était habituellement réaliste, de sorte qu’il serait peu probable qu’on pensait à une différence merement notionnelle, qui suppose une plus grande élaboration philosophique ; cependant, si on applique cela même strictement à l’Ancien Testament, il en résulterait que la sagesse et l’esprit de Dieu, par exemple, devraient déjà être compris comme réellement distincts du Père, ce qui situerait l’enseignement explicite de la Trinité dans cet Testament, ce qui est impossible, car là prime, par-dessus tout, l’unité divine, et c’est pourquoi le Christ n’a pas pu utiliser comme argument son identification avec une personne divine distincte du Père, car une telle idée n’était pas reconnue en son temps ; par conséquent, si, quand le Christ exprime une identification avec le Père, nous savons qu’il proclame sa propre divinité, parce que cette accusation a fondé sa condamnation finale, et qu’il ne s’est pas soucié de la diluer pour éviter le danger, nous ne pouvons, de la seule Bible cependant, en délimitant strictement l’intention littéraire du réaliste, savoir avec exactitude, quand il exprime une quelconque différence avec le Père et l’Esprit, à quel type de différence il se réfère.
En positif, les Pères de Nicée ont voulu rester fermement fidèles au monothéisme biblique et au réalisme de l’Incarnation. Ils ont voulu réaffirmer que le Dieu unique et vrai n’est pas inalcançablement éloigné de nous, mais qu’au contraire, il s’est fait proche et est venu à notre rencontre en Jésus-Christ.
Cette rédaction n’est nullement heureuse, car elle donne parfaitement place à l’idée que ou bien en Dieu il n’y a qu’une seule personne qui s’est incarnée en Christ, ou bien Christ est une personne humaine avec une relation spéciale avec Dieu, ce qui n’est vrai ni dans l’intention des Pères conciliaires ni dans le texte du credo résultant.
6- Pour exprimer son message dans le langage simple de la Bible et de la liturgie familier à tout le Peuple de Dieu, le Concile reprend certaines formulations de la profession baptismale : « Dieu de Dieu, lumière de lumière, Dieu vrai de Dieu vrai ».
Ces expressions n’ont généré aucun problème, ni ne servent non plus à exprimer l’essence de Nicée, qui réside complètement en un seul terme : le « homoousios », qui n’est pas biblique mais strictement philosophique dans son origine ; par conséquent, il n’est pas valide de dire que la préoccupation des Pères conciliaires était d’exprimer leur message dans le langage simple de la Bible et de la liturgie familier à tout le Peuple de Dieu.
7. Le Credo de Nicée ne formule pas une théorie philosophique. Il professe la foi en le Dieu qui nous a rachetés par le moyen de Jésus-Christ.
Le credo de Nicée utilise une théorie philosophique pour expliquer la foi, donnant officiellement origine à la théologie stricte, qui consiste en l’application de la raison, avec toute sa méthodologie, au donné de foi, pour obtenir une explication rationnelle précise de celui-ci.
Il s’agit du Dieu vivant : Il veut que nous ayons la vie et que nous l’ayons en abondance (cf. Jn 10,10). C’est pourquoi le Credo continue avec les paroles de la profession baptismale. (…) Cela laisse clair que les affirmations christologiques de foi du Concile sont insérées dans l’histoire du salut entre Dieu et ses créatures.
L’affirmation fondamentale du Concile : le « homoousios », abstrait de toute considération historico-salvifique.
Saint Athanase (…) a souligné à plusieurs reprises et avec efficacité la dimension sotériologique que le Credo nicénien exprime. Il écrit en effet que le Fils, qui est descendu du ciel, « nous a faits fils pour le Père et, étant devenu homme Lui-même, a divinisé les hommes. Il ne s’agit pas que, étant homme, il soit par la suite devenu Dieu, mais qu’étant Dieu il s’est fait homme pour nous diviniser ».
Si nous pouvons arriver à être divinisés, pourquoi le Christ n’aurait-il pas pu aussi être divinisé ? Comment peut-on parler d’une divinisation humaine sans incurrir en un flagrant panthéisme ? Évidemment, je ne nie pas la divinisation surnaturelle humaine, mais j’indique que même depuis la surnaturalité il s’agit d’une affaire extrêmement difficile, et je pense qu’elle n’est pas encore bien résolue dans la théologie officielle.
Seulement si le Fils est véritablement Dieu cela est possible : aucun être mortel, en effet, ne peut vaincre la mort et nous sauver ; seul Dieu peut le faire.
Si nous, qui sommes, par nature, mortels, pouvons être divinisés, il est évident que nous pourrions alors aussi vaincre la mort dans notre propre divinisation, et il ne serait plus vrai que seul Dieu puisse la vaincre.
On dira que nous pouvons la vaincre comme don de Dieu, ce qui est bien ; mais n’a-t-on pas aussi dit que nous la vainquons, en étant divinisés ?, et alors nous devrions pouvoir atteindre conséquemment tout ce que Dieu est, y compris son omnipotence, son éternité, sa nécessité, etc. ? Ou de quelle divinisation parlons-nous ? Évidemment, ce mot reste très beau et expressif, mais je réitère qu’il génère d’immenses problèmes et très épineux dès qu’on cherche une précision minimale.
Le Credo nicénien ne nous parle donc pas d’un Dieu éloigné, inalcançable, immobile, qui repose en Lui-même, mais d’un Dieu qui est proche de nous, qui nous accompagne dans notre chemin à travers les sentiers du monde et dans les lieux les plus obscurs de la terre.
Comment cela, que Dieu n’est pas éloigné, ni inalcançable, ni immobile ? Où Nicée nie-t-il la transcendance et l’immutabilité divines ? Précisément ce qu’il fait est de les appliquer au Fils dans le même sens qu’on les applique au Père.
L’Incarnation est une autre question, qui évidemment n’affecte pas strictement la divinité en soi.
Cela révolutionne les conceptions païennes et philosophiques de Dieu.
Il n’y a aucune révolution de la conception philosophique païenne de Dieu, car, dans le cas, par exemple, du système aristotélicien, la théologie catholique a continué à appliquer, en lignes générales, ses idées à la nature divine ; la révolution est dans la notion même de la Trinité, que la théologie s’est efforcée d’expliquer à partir de paramètres rationnels, parce que c’est justement sa mission.
Un autre mot du Credo nicénien est pour nous aujourd’hui particulièrement révélateur. L’affirmation biblique « il s’est fait chair », précisée en ajoutant le mot « homme » après le mot « incarné ». Nicée prend ainsi distance de la fausse doctrine selon laquelle le Logos n’aurait assumé qu’un corps comme vêtement extérieur, mais non l’âme humaine, dotée d’intelligence et de libre arbitre.
Ici il faut faire beaucoup attention, parce que la nature humaine du Christ n’était pas libre en marge de la divine, mais qu’évidentement, et sans donner raison à l’hérésie monothélite, il y a une unité morale nécessaire, qui n’est pas de nature, entre la volonté divine et la humaine de l’unique personne du Verbe.
Au contraire, il veut affirmer ce que le Concile de Chalcédoine (451) déclarerait explicitement : en Christ, Dieu a assumé et racheté l’être humain entier, avec corps et âme.
Effectivement, il y a eu une assomption complète de la nature humaine du Christ, mais dans l’unique personne du Verbe, ce qui impose une cohérence radicale de la nature humaine avec la divine tant au niveau intellectif — et de là que le magistère parle de la vision béatifique — qu’au niveau volitif, dont résulte l’unité morale mentionnée.
Le Fils de Dieu s’est fait homme — explique saint Athanase — pour que nous, les hommes, puissions être divinisés.
Cela, comme on l’a dit, est aussi beau que difficile à expliquer rationnellement, et non par simple curiosité rationnelle, mais par la nécessité théologique d’atteindre une explication cohérente qui exclue toute déviation aberrante.
La divinisation n’a rien à voir avec l’auto-déification de l’homme. Au contraire, la divinisation nous protège de la tentation primordiale de vouloir être comme Dieu (cf. Gn 3,5). Ce que Christ est par nature, nous l’arrivons à être par grâce.
C’est certain, mais un panthéisme par grâce ne cesserait pas d’être panthéisme ; c’est pourquoi il faut expliquer comment une divinisation non panthéiste est possible.
Par l’œuvre de la rédemption, Dieu n’a pas seulement restauré notre dignité humaine comme image de Dieu, mais Celui qui nous a créés de manière merveilleuse nous a faits partícipes, de manière plus admirable encore, de sa nature divine (cf. 2 P 1, 4).
La nature divine, donnée son absolue simplicité, est imparticipable, et de plus cette citation biblique ne parle pas littéralement de participation, mais de consorcio, qui est quelque chose de beaucoup plus large.
La divinisation est donc la véritable humanisation.
Ceci est simplement une contradiction, car la nature divine et la humaine sont inconmensurables entre elles et, par conséquent, la divine ne peut pas être considérée comme la fin ou la perfection de la humaine ; comprend-on déjà pourquoi j’ai averti des dangers de la notion de divinisation ?
Ici, ayant dépassé la plus élémentaire précaution, il y a, en définitive, une évidente hérésie littérale qui va dans la ligne de Dignitas infinita, mais qui même la surpasse, en ne se limitant pas à introduire des droits divins dans la nature humaine, mais en mettant la culmination de celle-ci dans atteindre la divine, qui alors ne serait plus proprement transcendante ; ces textes dogmatiques sont contradits : Dz 432 : Quand la Vérité même (…) dit : « Soyez parfaits, comme votre Père céleste est parfait », c’est comme si elle disait plus clairement : « Soyez parfaits par la perfection de la grâce, comme votre Père céleste est parfait par la perfection de nature », c’est-à-dire : chacun à sa manière, parce qu’on ne peut affirmer tant de similitude entre le créateur et la créature, sans qu’il faille affirmer une plus grande dissemblance. Si quelqu’un, donc, osait défendre ou approuver en ce point la doctrine du susdit Joachim (de Fiore), qu’il soit rejeté par tous comme hérétique ; Dz 1701 : Erreurs de notre temps (…): Dieu se fait dans l’homme et dans le monde ; Dz 1782 : Il n’y a qu’un seul Dieu vrai et vivant (…), infini (…) en toute perfection, qui (…) doit être prêché comme distinct du monde réel et essentiellement (…), et ineffablement exalté au-dessus de tout ; Dz 1804 : Si quelqu’un disait que les choses finies, corporelles ou spirituelles, ou du moins les spirituelles, ont émané de la substance divine, ou que la divine essence par manifestation ou évolution de soi se fait toutes choses, (…) qu’il soit anathème ; et Dz 2108 : À un pur et effronté panthéisme conduit l’autre doctrine sur l’immanence divine, parce que nous demandons : cette immanence distingue-t-elle Dieu de l’homme, ou non ? (…) Si elle ne le distingue pas, nous avons le panthéisme ; (…) Dieu est une seule et même chose avec l’homme ; d’où le panthéisme.
Bien qu’on ait critiqué avant la tentation originelle d’arriver à être comme Dieu : l’« auto-déification », maintenant on lui donne raison, car, comme toute nature a droit à atteindre par soi-même sa propre perfection, il résulte que, si la perfection de la humaine est dans atteindre la divinité, cet accomplissement n’a plus besoin d’aucune grâce, qui est toujours surnaturelle et imméritée, mais qu’au contraire, elle lui est strictement due à la nature humaine, et l’homme ne ferait que honorer son propre droit, en l’exigeant à Dieu.
Ceci est si grave, qu’il ne trouve parallèle que dans la thèse centrale de la secte maçonnique nord-américaine des mormons, qui dit que Dieu fut homme, mais non par Incarnation, mais parce qu’il surgit comme homme et arriva à être Dieu, ce que nous aussi pourrions arriver à être du mormonisme.
Se répète alors, mais à un niveau encore plus radical, le phénomène qui s’est déjà donné dans le magistère de François : l’apparition d’hérésies formelles, dont on suppose que le magistère pontifical, même l’ordinaire, devrait en être exempt par l’assistance de l’Esprit Saint, comme l’explique le point 892 du Catéchisme officiel de l’Église catholique ; cependant, le fait patent est là, et je remplis simplement mon obligation ministerielle de le dénoncer, comme dit le point 2088 du même Catéchisme : « Le premier commandement nous demande de nourrir et de garder avec prudence et vigilance notre foi, et de rejeter tout ce qui s’oppose à elle », et le Code de Droit Canonique rappelle au canon 750 : « Tous sont obligés d’éviter toute doctrine contraire », et même l’indique aussi Dz 1105, condamnant cette thèse : « Bien que tu saches évidemment que Pierre est hérétique, tu n’es pas obligé de le dénoncer, au cas où tu ne puisses le prouver » ; reste donc clair que même qui passe pour Pierre ne peut être exempt de la répréhension en questions de foi.
C’est pourquoi l’existence de l’homme pointe au-delà de soi-même, cherche au-delà de soi-même, désire au-delà de soi-même et est inquiète jusqu’à ce qu’elle repose en Dieu : Deus enim solus satiat, ¡Seul Dieu satisfait l’homme ! Seul Dieu, dans son infinitude, peut assouvir le désir infini du cœur humain, et c’est pourquoi le Fils de Dieu a voulu se faire notre frère et rédempteur.
Il est certain que le désir de l’homme, par son caractère rationnel, tend à l’infinitude, mais de manière imprécise, car on ne peut désirer ce qu’on ne connaît pas, et humainement on ne peut connaître en soi l’infinitude réelle de Dieu ; c’est pourquoi un tel désir manque d’objet formel strict et ne donne aucun droit, mais seulement témoigne de l’ouverture intentionnelle humaine au mystère divin.
Peut-être semble-t-il que devrait en découler l’existence d’une puissance obédientielle humaine dans la même nature ; mais, comme toute puissance doit, par définition, avoir un acte qui la remplisse et auquel elle est ordonnée, ce qui n’arrive pas ici, car la divinisation — et c’est une clé capitale — ne peut s’accomplir au niveau de la nature, il suit la rotunde improcéance de parler de puissance obédientielle humaine, mais qu’il faudrait se limiter à signaler une tendance imprécise ; s’ajoute la considération du caractère contre-productif de ce même désir pour la nature humaine, laquelle, en désirant ce qui en soi est mystérieux, se reconnaît non seulement incapable de l’atteindre, mais obligée aussi pour cela à se nier elle-même, par avoir à devoir desistir de l’exigence naturelle de tout comprendre.
11- L’amour de Dieu sans l’amour du prochain est hypocrisie ; l’amour radical du prochain, surtout l’amour des ennemis sans l’amour de Dieu, est un héroïsme qui nous dépasse et nous opprime.
L’amour radical du prochain est complètement impossible pour la nature humaine, laquelle, désirant toujours ce qui présente une raison de bien pour elle, montre son caractère médullairement égoïste ; c’est pourquoi il n’y a pas d’amour vrai naturel que le divin, dans lequel le Père n’aime pas le Fils pour soi, ce qui effectivement serait égoïste, mais pour l’Esprit Saint, qui ainsi est la personne résultant de cet acte d’amour, comme le Fils l’est de l’acte d’autoconnaissance du Père ; conséquemment, il n’a pas de sens de parler d’héroïsme aucun, quand celui-ci se réfère simplement à ce qui est très difficile ou impossible de mode ordinaire, mais non de mode extraordinaire, comme aussi serait le cas.
12- Bien que la pleine unité visible avec les Églises orthodoxes et orthodoxes orientales et avec les Communautés ecclésiales nées de la Réforme ne nous ait pas encore été donnée, le dialogue œcuménique nous a conduits, sur la base du seul baptême et du Credo nicéno-constantinopolitain, à reconnaître nos frères et sœurs en Jésus-Christ dans les frères et sœurs des autres Églises et Communautés ecclésiales et à redécouvrir la seule et universelle Communauté des disciples du Christ dans le monde entier.
Quel sens a-t-il de parler d’une unique et universelle communauté des disciples du Christ ? Cette communauté est-elle celle qui réalise les notes constitutives de l’Église catholique : unité, sainteté, catholicité et apostolicité ? Ne nie-t-on pas alors le dogme que l’Église catholique est la seule Église visible du Christ, tandis que toutes les autres ne le sont pas, par le fait même de la séparation, et ainsi ne comptent que les moyens salvifiques qu’elles ont conservés de l’Église catholique, et qui ne sont fructueux que chez ceux qui s’y maintiennent par ignorance invincible et, par conséquent, inculpable ?
Qui est personne pour rabaisser l’importance de l’Église catholique, en l’équiparant à d’autres églises, quand seule la première est l’unique épouse du Christ, instrument de l’Esprit, et sacrement efficace de salut ? Ainsi, les sacrements que d’autres églises aient fonctionnent parce qu’en réalité ils ne sont pas de celles-ci mais de celle-là, et, au plus, ces églises séparées pourraient être comparées, pour ce qu’elles maintiennent de la catholique, à des sacramentaux, dont la fructification se limite à la disponibilité du sujet ; c’est-à-dire : en dépendant de l’inculpabilité déjà dite que celui-ci ait dans sa situation personnelle de séparation.
Nous partageons en fait la foi en l’unique et seul Dieu, Père de tous les hommes, nous confessons ensemble l’unique Seigneur et vrai Fils de Dieu Jésus-Christ et l’unique Esprit Saint, qui nous inspire et nous pousse à la pleine unité et au témoignage commun de l’Évangile. ¡Vraiment ce qui nous unit est beaucoup plus que ce qui nous divise !
Comme il suffit de nier un seul dogme pour perdre entièrement la foi catholique, il est ridicule de parler de ce qui nous unit beaucoup, car, jusqu’à ce qu’on ait atteint la communion en toute la doctrine catholique, on n’aura rien fait d’effectif pour l’union réelle.
Pour pouvoir exercer ce ministère de manière crédible, nous devons marcher ensemble pour atteindre l’unité et la réconciliation entre tous les chrétiens.
Cette unité ne peut s’atteindre que depuis la communion dans l’intégrité de la doctrine catholique.
Le Credo de Nicée peut être la base et le critère de référence de ce chemin. Il nous propose en fait un modèle de véritable unité dans la légitime diversité.
En questions de foi il n’y a aucune légitime diversité, car toute divergence dogmatique suppose la rupture totale.
Unité dans la Trinité, Trinité dans l’Unité, parce que l’unité sans multiplicité est tyrannie, la multiplicité sans unité est désintégration.
C’est une pure rhétorique sans le moindre sens, car qu’ont à voir l’unité de nature et la multiplicité personnelle trinitaires avec l’unité de foi de l’Église, qui n’admet pas la moindre discrepancy dogmatique ?
La dynamique trinitaire n’est pas dualiste, comme un excluant aut-aut, mais un lien qui implique, un et-et.
Ce schéma n’a aucune application dans le cas trinitaire, fondé sur l’unité absolue et la multiplicité relative.
Nous devons laisser derrière les controverses théologiques qui ont perdu leur raison d’être pour acquérir une pensée commune et, plus encore, une prière commune à l’Esprit Saint, pour qu’il nous rassemble tous dans une seule foi et un seul amour.
Il est incompréhensible qu’on parle de « controverses théologiques qui ont perdu leur raison d’être », quand historiquement toutes les ruptures se sont dues à des différences dogmatiques si considérables qu’elles ont justifié la déclaration d’excommunication de la part des papes coétanés.
Cela ne signifie pas un œcuménisme de retour à l’état antérieur aux divisions, ni une reconnaissance réciproque du statu quo actuel de la diversité des Églises et Communautés ecclésiales, mais plutôt un œcuménisme orienté vers l’avenir, de réconciliation dans le chemin du dialogue, d’échange de nos dons et patrimoines spirituels.
Prétendre un retour à l’état antérieur serait nier tout le développement dogmatique réalisé par l’Église catholique, et, à son tour, valider la situation actuelle serait relativiser la doctrine de cette même Église ; mais parler de regarder vers l’avenir est quelque chose d’aussi usé que gratuit, car dans l’avenir il n’y a rien encore, et, pour plus qu’on regarde, il va continuer sans rien apparaître jusqu’à ce qu’il passe à être présent.
Il s’agit d’un défi théologique et, encore plus, d’un défi spirituel, qui requiert repentance et conversion de la part de tous.
C’est certain : la conversion est toujours nécessaire, car historiquement il y a habituellement des erreurs et des péchés de la part de tous ; mais la conversion doit être, surtout, vers la vérité, et la seule vérité pleine est celle de la doctrine catholique, bien que toujours on puisse des clarifications et des approfondissements ; c’est pourquoi les catholiques nous devons nous convertir moralement, mais non doctrinalement, et l’Église catholique pourra reconnaître beaucoup d’erreurs historiques, mais aucune strictement dans sa doctrine, mais dans celle-ci ce sont les non catholiques les seuls qui ont à corriger les erreurs.
Viens, Amour du Père et du Fils, pour nous rassembler dans l’unique troupeau du Christ.
L’unique troupeau du Christ est l’Église catholique, gouvernée et apaisonnée par les uniques pasteurs légitimes, qui représentent véritablement le Christ.
On ne comprend pas qu’encore d’abord, dans l’acte conjoint avec le patriarche schismatique de Constantinople, on ait omis le « Filioque », pour professer le credo nicéno-constantinopolitain tel quel, ce qui est déjà mal, parce que cet ajout est fondamental pour établir la divinité du Christ et la personnalité de l’Esprit Saint, et pour distinguer leurs processions respectives, et que ensuite dans ce texte on aille au-delà du même ajout, en assumant la théorie trinitaire psychologique de Richard de Saint Victor, qui réduisait tout le processus psychologique à un seul acte : l’amour ; et ainsi distinguait la procession du Fils comme acte d’amour du Père au précédent, et celle de l’Esprit Saint comme acte d’amour mutuel entre le Père et le Fils, qui ainsi devraient apparaître comme un même principe de deux actes distincts : celui de l’amour de chacun à l’autre. Aussi saint Thomas a-t-il essayé, d’une certaine manière, d’assumer et d’intégrer cette théorie (Somme Théologique I, q. 36, a. 4, et q. 37, a. 2) ; mais il y a un écueil insoluble, car les actes, même jaillissant directement de la nature, ont comme principe fondamental le sujet ou personne, qui ainsi est celui qui les constitue numériquement ; ce qui veut dire que, bien qu’un unique sujet puisse réaliser beaucoup d’actes, cependant, un unique acte ne peut être réalisé que par un unique sujet, car l’acte d’un autre sujet est nécessairement un acte distinct, devant se réduire à un unique principe fondamental ; par où on voit le caractère intransférable du sujet, qui peut, évidemment, communiquer un acte, mais non ce qui exclusivement pose le sujet dans son propre acte : la communication même, qui ne peut avoir qu’un sujet émetteur, tandis que tout autre sujet ne pourra être que récepteur.
Il ne reste plus d’autre remède que de reconnaître que là le Docteur Angélique s’est trompé, en faisant la distinction — impossible de mode excluant — entre les sens essentiel et notionnel d’un même acte : celui d’aimer, et entre « espirateur » et « espiré », quand, d’une part, tout acte, jaillissant immédiatement de la nature, doit nécessairement avoir un sens essentiel, et, d’autre part, on ne peut dire que, étant deux espirés, le Père et le Fils ne soient aussi deux espirateurs, car il est évident que dans les deux cas on les désigne comme agents de l’espiration ; or, comme tout acte doit avoir son principe fondamental ou sujet producteur, qui ne peut être qu’un, par être celui qui principalement individualise l’acte même, alors l’acte espiratif, devant être un seul pour qu’en jaillisse une seule personne réceptrice — l’Esprit —, ne peut avoir correspondamment qu’une seule personne émettrice, indistinctement du nom qu’on lui donne. Cela acquiert encore plus de force dans le cas divin, en tant que les actes divins, devant être complètement parfaits, ne se peuvent distinguer que par les termes et non par aucune imperfection, qui est celle qui fait que, par exemple, un même sujet humain doive appliquer beaucoup d’actes à la connaissance du identique objet ; c’est pourquoi, comme dans la divinité ne rentrent que deux actes psychologiques : l’intellectif et le volitif, ne rentrent aussi qu’un émetteur et un récepteur pour chacun, et de là qu’un seul acte est incapable de distinguer trois sujets.
On se demandera alors si, si le Père doit être l’unique émetteur des deux actes, tandis que le récepteur du premier sera le Fils, et celui du second l’Esprit, comment est-il possible d’affirmer que le dernier procède aussi de l’antérieur ; et on répond depuis la considération psychologique de dits actes, car, d’une part, comme on ne peut aimer que ce qu’on connaît, l’acte volitif dépend nécessairement de l’intellectif, et, d’autre part, le sens de l’acte dont procède l’Esprit consiste, comme on l’a avancé, en ce que le Père, s’étant connu Lui-même dans le Fils, l’aime, non pour Lui-même, ce qui supposerait égoïsme, mais pour le Fils. Ainsi on peut voir comment la procession de l’Esprit dépend de celle du Fils et aussi de la personne même du Fils, et en ce sens on dit que l’Esprit procède aussi du Fils, et non seulement du Père.
Il en découle, en premier lieu, que, bien que l’expression « Filioque » soit, évidemment, acertée — car l’Esprit procède aussi du Fils —, l’expression « Per Filium » est cependant plus atinada par précise, car l’Esprit ne procède pas du Fils comme de l’émetteur propre, qui n’est que le Père, mais que le Fils n’intervient que passivement dans cette procession ; la seconde dérivation est que, si reste clair que le Fils alors reste en totale passivité dans la Trinité, il en sera de même, et avec plus de raison, de l’Esprit, qui par-dessus n’intervient pas dans la production d’aucun acte. C’est pourquoi il est trivial dans la Trinité la distinction entre le sens notionnel et l’essentiel des actes, car là tout acte est, en réalité, essentiel, par jaillir directement de l’essence, et notionnel, par avoir comme sujets ultimes ceux que chaque acte constitue, tandis que le sens exclusivement essentiel ne se donne que dans les actes « ad extra », dans lesquels les personnes trinitaires — qui n’apparaissent exclusivement, donné leur caractère strictement relatif, dans les relations établies par les actes « ad intra » — agissent comme un seul principe. On peut voir, en définitive, comment appliquer ce même argument « ad extra » pour un acte « ad intra », de sorte qu’on puisse affirmer aussi que plusieurs personnes émettrices agissent comme un seul principe, est une grande erreur qui confond deux plans si disparates ; mais non, alors, dans la procession de l’Esprit, seule une personne — le Père — peut agir activement comme émetteur, tandis que le Fils ne peut agir que passivement, bien qu’il ne soit pas le récepteur de la procession — qui l’est l’Esprit —, mais celui de l’acte d’amour du Père, ce qui vient indiquer que l’acte psychologique fonde la procession, mais n’est pas la même procession, mais que, dans le cas de la seconde, l’acte, avec le Père comme émetteur et le Fils comme récepteur, a un schéma distinct de celui de la procession, dans laquelle le récepteur est l’Esprit, et l’émetteur le Père à travers le Fils. Cette différence réside en ce que la procession est la communication même qui fonde toute relation, tandis que l’acte psychologique exprime les relations que établit chaque procession, et qui, dans le cas de la première procession, est une seule : celle donnée entre le Père et le Fils, car le Père ne se connaît pas Lui-même en Lui-même, ce qui est impossible, mais dans le Fils ; et, dans le cas de la seconde procession, ce sont deux : celle donnée d’abord entre le Père comme aimant et le Fils comme aimé, et celle donnée aussi entre le Fils comme aimé et l’Esprit comme bénéficiaire de cet amour, car le Père, comme on l’a dit, n’aime pas le Fils pour Lui-même mais pour l’Esprit.
Un corollaire transcendantal par son ampleur est que, comme la conception solipsiste de la divinité, propre à Aristote, pour qui Dieu est pensée auto-pensante, est impossible — car sans distinction réelle de termes il n’y a pas de relation réelle, et sans celle-ci il n’y a pas non plus d’acte réel —, toute conception monothéiste unitariste, comme, par exemple, l’islamique, conflue en un Dieu complètement inactif, incapable de réaliser aucun acte réel, par manquer de terme aussi réel sur lequel agir, pour se relier réellement ; en somme, la Trinité est la seule possibilité de concevoir logiquement une divinité active, d’où cependant ne se déduit pas que la Trinité soit accessible à la seule raison humaine, laquelle, en fait, n’a été capable, dans son indigence, de s’apercevoir de cela qu’après la connaissance du mystère trinitaire par la révélation chrétienne.
Indique-nous les chemins qu’il faut parcourir, pour que avec ta sagesse nous redevenions ce que nous sommes en Christ : une seule chose, pour que le monde croie.
Il est faux que tous les chrétiens nous soyons déjà une seule chose en Christ, car l’Église catholique est moyen nécessaire pour s’unir au Christ, et seulement ceux qui, étant visiblement dehors, sont affectés d’ignorance invincible et inculpable, peuvent être réellement unis au Christ, en l’étant implicitement à l’Église catholique.
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